Exécuter correctement les postures

Le yoga est une invitation à explorer ce que peut l’exercice du corps sur notre état d’être.

Cet exercice du corps est particulier, par opposition à l’athlétisme, les sports collectifs ou les arts martiaux par exemple, en ce qu’il se base sur des postures canoniques.

Cependant, le yoga comme discipline a évolué continuellement et surtout depuis sa reprise par l’occident. De nombreux « styles de yoga » ont émergés et cette multiplication de style n’est pas prêt de s’arrêter.

 

En conséquence, préciser ce que veut dire « exécuter correctement les postures » pourrait être le biais par lequel un des styles de yoga entend en disqualifier un autre. Ce n’est pas notre propos ici. Nous voulons clarifier la question en exposant ses différentes dimensions :

  • Esthétique : alignement et élégance

  • Orientée vers un but précis (physique ou sensationnel)

  • Risques & Blessures

Selon le style, ces 3 dimensions peuvent varier, ce qui laisse la place à une grande variété de conclusion.

Dimension #1 : Esthétique, repères, géométrie

Nous aimons l’esthétique du yoga, que se soit

·       Dans les postures statiques qui nous renvoies aux images d’épinal du yogi ancestral assis [Sukhasana] en méditation ou en posture sur la tête [Sirsansa] ou

·       En mouvement, lent ou rapide, qui nous approche des esthétiques de la danse ou de la « pleine conscience ».

Esthétique & Géométrie

Les alignements (lignes), le respect des angles droits ou demi droits, des courbes proche du cercle sont les premiers ingrédients esthétiques. Ce que nous résumons par « géométrie ».

La plupart des styles de yoga ont une fascination pour les alignements et donc pour la géométrie. La discipline entend transformer le corps pour se mouler dans ses injonctions d’alignements etc.

Tout corps est unique

En contre point, rien dans la nature n’est parfaitement géométrique. Un fémur par exemple est un os aux multiples courbes et torsions… L’habillage musculaire lui aussi est tout en courbes sophistiquées qui appellent une autre dimension de l’esthétique, totalement humaine, celle-là.

C’est dans ce cadre que nous avons installé une notion relative de posture « correcte ». Point de départ, la posture correcte pour vous n’existe pas :  certaines constructions osseuses ne permettent tout simplement pas d’exécuter certaines postures (parfois même simple comme Malasana talon au sol). Dans les 10 principes du Anatomy Based Yoga, cela est repris dans le point « EVERY BODY IS UNIQUE ».

Quelle position du pied, de la hanche, des bras, etc ? Quelles distances entre les pieds ? …

Le guide objectif (pour peu que vous n’ayez plus la foi dans telle prescription de tel fondateur du yoga ou de tel texte) pour définir cela est l’esthétique : quelle position est plus jolie ?

Cet élément a l’air trivial mais il permet de s’entendre sur ce que l’on voit et comment on l’apprécie. C’est une partie quasi objective, partageable.

Il permet de définir une notion de repère. Prenons un exemple : A quelle distance placer les pieds et les mains dans le chien tête en bas [Ado mukha shavasana].

La réponse peut être : la distance qui vous permet de mettre les talons au sol ou d’avoir un dos droit ou de créer un angle droit entre jambes et tronc.

Nous voyons déjà ici apparaître une variabilité. C’est ce que tente de capturer la notion de repère.

Un repère n’est pas une notion absolue. Il est défini par le choix fait sur une des possibles définition de ce qu’est « la posture correcte ». Il n’y a donc pas de posture correcte au singulier mais des postures correctes, pour chaque asana.

Un repère peut varier. Une fois assimilée la posture selon tel repère relatif, il est possible d’explorer les variations.

Il existe un livre qui recense les « 2100 postures de yoga ».

Dans ce livre, les variations ne sont pas proposées quant aux repères mais quant aux diverses variation sde la position des bras, jambes, tendu.e.s ou fléchi.e.s, en torsion ou pas, etc.

Ici, notre but est plus « humble » : utiliser une notion de repère pour trier les différentes variations de position des appuis pour une posture donnée, pour ensuite explorer les variations.

Ces deux étapes sont cruciales : maîtriser une posture en respectant UN repère et, ensuite, engager des variations basées sur ces repères. Cela permet d’éviter une errance dans le relatif complet : fixer des points de repères qui organisent un apprentissage…

La seconde étape est reprise dans les 10 principes du Anatomy Based Yoga : “VARIETY IS THE SPICE OF LIFE. OUR BODIES NEED VARIETY OF MOVEMENT.”

Ce recadrage des notions d’alignement, de géométrie et d’esthétique fait également partie des styles plus en mouvement, bien que l’attention soit là plus sur l’élégance, notion qui intègre d’autres ingrédients.

Esthétique & élégance

Dans les styles en mouvement, bien sûr la géométrie/ les alignements importent mais en plus, la fluidité des mouvements comporte son esthétisme particulier.

Cela exige une coordination fine, une mémorisation corporelle qui approche du réflexe et une force musculaire particulière.

Cette maîtrise est donc beaucoup plus complexe mais pose au final moins de question de fond, si ce n’est sur le plan des possibles blessures…

Dimension #2 : Vers un but précis (physique ou sensationnel)

Une posture peut être exécutée pour un but précis :

·       Physique : renforcer tel groupe musculaire, étirer tel muscle.

·       Sensationnel : créer une sensation d’étirement agréable ou une décontraction après un effort précis ou plus aventureux, agir d’une manière ou d’une autre pour obtenir un effet sur le système nerveux.

But physique

Pour notre propos, exécuter « correctement » la posture sera dirigé par ce but. Les choses seront plus définies.

Prenons un exemple : une sensation désagréable dans le poignet quand vous voulez faire le poirier (hand stand ou [Urdva Vrkasana]).

Cette sensation existe également dans le chien tête en bas  [Ado mukha shavasana]. « Exécuter correctement la posture » consistera à trouver une adaptation qui change l’angle et/ou la charge.

Par exemple, utiliser des supports sous les mains (chaise, briques – qui vont déplacer un peu le poids du corps vers es pieds et décharger les poignets).

Le principe implicite est là d’utiliser la charge pour renforcer les tissus et faire diminuer l’inconfort au fil des séances.

Par la suite, si l’inconfort disparaît, il faudra augmenter la charge en prenant des supports de moins en moins haut et finalement pour voir assumer le chien tête en base sans inconfort.

Ensuite, rapprocher les pieds des mains, à nouveau pour augmenter la charge.

 

Dans tout ce protocole, nous suivant le principe d’Anatomy Based Yoga : « SAFE STRENGTH BUILDING COMES FROM PROGRESSIVE LOADING ».

But sensationnel

Il n’est pas nécessaire de compliquer ici les choses : il vous suffit d’en faire l’expérience.

Exécuter la posture selon les recommandations en poursuivant le but annoncé et vérifier par vous-même si cela fonctionne pour vous.

Ici heureusement, tout est plus expérimentable, vérifiable et vous en serez les seuls juges…

Dimension #3 : Risques & Blessures

Le yoga est une activité à bas risque (1,5 cas par 1000h de pratique, 4 fois moins que le football) et probablement moins risquée que de ne faire aucune activité physique.

Si vous voulez ne pas vous blesser, rester chez vous dans un lit. Mais cela est pire en terme de santé…

 

Bien sûr, le risque de blessure dépend du style de yoga, plus ou moins dynamique, acrobatique, et de votre passé voire de votre génétique.

 

Malheureusement, l’incantation au « professeur compétent » est une chimère.

Principalement, suivant les 10 principes de l’Anatomy Based Yoga, nous appliquons scrupuleusement la règle d’encourager toute personne ayant une condition à consulter médecins et kinésithérapeutes adéquats.

 

D’ailleurs, 9 de ces 10 principes concernent cette question :

1.      EVERY BODY IS UNIQUE.

2.      ANY YOGA POSE CAN HARM. ANY YOGA POSE CAN HEAL.

3.      MOST YOGA ASANA IS SPECIALIZED, NOT FUNCTIONAL MOVEMENT.

4.      "LISTEN TO YOUR BODY" WORKS ABOUT 50 % OF THE TIME.

5.      CRITICAL THINKING IS CRITICAL. (BECAUSE WE CAN'T KNOW EVERYTHING.) 

6.      READILY REFER OUT.

7.      FLEXIBILITY IS NO GOOD WITHOUT STRENGTH.

8.      VARIETY IS THE SPICE OF LIFE. OUR BODIES NEED VARIETY OF MOVEMENT.

9.      SAFE STRENGTH BUILDING COMES FROM PROGRESSIVE LOADING.

 

Pour notre propos, à savoir que peut vouloir dire « exécuter correctement une posture », retenons essentiellement que nous installons des précautions générales dans nos cours, proposons des adaptations pour faciliter les postures et travaillons par “propositions” basées sur les leçons de la bioméchanique (notamment que la charge est le moyen possible de renforcer une articulation, un tissu).

Ce sujet est complexe et est abordé en profondeur lors de notre formation, continue, collégiale.

Une dernière dimension aurait pu être “Effets sur la santé” mais cela sera l’objet d’un autre article, dont je vous souhaite déjà une lecture instructive…

En résumé

La posture correcte est une utopie, sauf dans les cas où nous cherchons un but précis ou un effet subjectif dit sensationnel.

Cette notion de “correctitude” (rectitude en bon français) est donc relative, mais pour nous, joyeusement relative…